LE PROTOCOLE DE CONCILIATION HOMOLOGUÉ AU SERVICE DU CARVE-OUT

Jérôme Chevalier, Responsable du pôle Restructuring et Prévention, AJ Associés

Le cédant et le cessionnaire peuvent converger dans leur volonté de sécuriser un process de vente d’actifs correspondant à un carve-out
 
Le protocole de conciliation homologué permet la convergence des intérêts a priori antagonistes du cédant et du cessionnaire
 
A) Des objectifs convergents de protection à des titres divers
 
Bien que présentant des intérêts structurellement opposés, le cédant et le cessionnaire peuvent converger dans leur volonté de sécuriser un process de vente d’actifs correspondant à un carve-out :
 – le cessionnaire pour ne pas voir remis en cause l’acte de vente auquel il a participé, notamment lorsque celui-ci intervient en période suspecte, c’est-à-dire dans les 18 mois précédant l’ouverture de la procédure collective de la société ayant cédé ses actifs
  – le cédant parce qu’il entend se pré-constituer un faisceau d’indices lui permettant d’administrer la preuve que la cession des actifs dont il est à l’origine, correspond, à l’époque où elle intervient et dans les conditions où elle se fait, à un acte de gestion normal insusceptible d’être critiqué ultérieurement sur le terrain de la faute aux fins d’engager sa responsabilité, notamment délictuelle, par les tiers au contrat.
 
A cet égard, inscrire une cession d’actif dans un protocole de conciliation qui sera ensuite homologué présente des avantages pour les deux parties.
 
B) Une procédure de conciliation qui apporte aux deux signataires une plus-value indéniable 
 
En effet, pour le cessionnaire, inscrire cette cession dans un protocole le protège du risque d’annulation du contrat de cession intervenue en période suspecte (sauf cas rarissime de fraude au jugement où des éléments structurants de l’accord auraient été cachés au tribunal). L’article L. 631-8 du Code de commerce dispose ainsi que « sauf cas de fraude, [la date de cessation des paiements] ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l’article L.611-8 ».
 
 S’agissant du cédant, bien que l’homologation ne le prémunisse aucunement du risque réputationnel auquel il s’expose si l’activité reprise présente un caractère public notoire, elle permet néanmoins de présumer son comportement avisé et diligent, au travers de l’accord validé par le tribunal. Dès lors, il en découle une présomption renforcée qu’au moment où la cession a été réalisée et aux conditions où elle a été réalisée, elle faisait sens d’un point de vue économique.
 
Les conditions pour obtenir un accord homologué 
 
A) Les conditions relatives à l’ouverture de la procédure  
 
Pour ouvrir une procédure de conciliation, outre l’absence de cessation des paiements depuis plus de 45 jours, il suffit de faire état de difficultés que l’on souhaite résoudre avec l’aide d’un professionnel dans un cadre confidentiel.
 
S’agissant d’un carve-out, ces difficultés se confondront toujours avec l’impossibilité de conserver l’activité pour laquelle il est projeté une cession, et le risque opérationnel associé à cette cession doublé du risque d’image pour le cédant.
 
 Il convient de rappeler que toute sorte de motifs peut servir de fondement à l’ouverture d’une procédure de conciliation, le texte de l’article L. 611-14 du Code de commerce restant lui-même volontairement ouvert dans sa définition des difficultés en ne prévoyant pas de restriction particulière. Il dispose ainsi qu’ : « (…) est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours. ».
 
Enfin, l’article L611-7 en détaillant les moyens d’action du conciliateur renforce également l’idée que ce dernier n’est pas simplement mandaté pour négocier avec les créanciers de l’entreprise mais : « peut également présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi. Il peut être chargé, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d’une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en oeuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ».
 
La préparation d’une cession fait donc partie des missions qui peuvent être confiées à un conciliateur. Cette cession peut par ailleurs intervenir de manière autonome, hors du champ des procédures collectives.
 
B) Les conditions relatives à l’obtention d’une homologation 
 
L’article L. 611-8 dispose que : « le tribunal homologue l’accord obtenu si les conditions suivantes sont réunies : 1° Le débiteur n’est pas en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin ; 2° Les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise ; 3° L’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires ».
 
La première condition ne pose pas de problème particulier. 
 
La troisième condition n’appelle pas non plus de commentaires pour le sujet qui nous intéresse. 
 
La deuxième condition est la plus intéressante et également la plus difficile à remplir. Pour y parvenir, il est nécessaire qu’un conciliateur examine en toute indépendance les éléments censés assurer cette pérennité dans l’optique de rendre un avis éclairé au tribunal qui sera amené à statuer sur la demande d’homologation de l’opération de carve-out. Concrètement, le tribunal, aux fins d’homologuer l’accord de cession s’appuiera principalement sur le rapport du conciliateur, dont la mission consiste justement au premier chef à valider le fait que des diligences honnêtes et sérieuses ont bien été menées en amont pour s’assurer du mieux possible de la pérennité de l’activité reprise
 
Il va sans dire enfin que la pluralité de candidats repreneurs solides est un gage de sérieux qui renforce la crédibilité de l’ensemble du process.
 
En s’assurant ainsi de la pérennité du projet de reprise pour obtenir l’homologation du tribunal (il s’agit bien d’une obligation de moyens et en aucun cas une obligation de résultat concernant la pérennité), le cédant ainsi que le cessionnaire se mettent à l’abri d’une remise en cause ultérieure de l’acte de cession, tout en décourageant une éventuelle mise en cause ultérieure de leur responsabilité par des tiers intéressés, quels qu’ils soient, salariés ou entités publiques par exemple, grâce au jugement d’homologation.