OUTILS FISCAUX UTILES DANS LA REPRISE D'UNE ACTIVITÉ SOUS-PERFORMANTE

Marine Pelletier-Capes, Avocate Associée, Vivien & Associés

Le cédant et le repreneur d'une activité sous-performante disposent aujourd'hui d'outils fiscaux utiles permettant de faciliter la reprise de ces activités

Le cédant et le repreneur d’une activité sous-performante disposent aujourd’hui d’outils fiscaux utiles permettant de faciliter la reprise de ces activités, en particulier lorsqu’elle intervient dans le cadre d’une procédure de conciliation ou d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Sans prétendre à l’exhaustivité, nous signalons ici les principaux dispositifs applicables.
 
L'abandon, la cession et la capitalisation des comptes courants d'associé (share deals)
 
D’une façon générale, l’acquéreur des titres d’une société sous-performante (share deal) demande souvent à l’actionnaire cédant qu’il apure les comptes courants détenus contre la société cédée, faute de quoi le prix serait bien souvent négatif.
 
 Si l’acheteur accepte de reprendre la créance à un prix décoté, cela peut en effet avoir un effet fiscal parfois défavorable. Ainsi, si le repreneur est établi en France et que la société reprise réussit son retournement, le remboursement de cette dette constituera un profit imposable pour le repreneur ; ce dernier ne peut par ailleurs pas, sauf exceptions, l’incorporer lui-même au capital sans constater le même profit. 
 
Alternativement, ces créances peuvent être préalablement abandonnées ou incorporées au capital. Dans un cadre ordinaire, lorsque la société mère consent un abandon de créance à une filiale en difficulté :
 (i) La société mère ne peut pas déduire l’abandon de créance de son résultat imposable au titre de l’exercice en cours (sauf si cet abandon a un objectif commercial tel que le maintien de débouchés ou de sources d’approvisionnement). Elle ne peut pas non plus en tenir compte pour le calcul de la moins-value de cession de ses titres, laquelle n’est en toute hypothèse généralement pas déductible lorsqu’il s’agit de titres de participation détenus depuis plus de deux ans.
 
(ii) Pour autant, cet abandon constitue un profit pleinement taxable entre les mains de la société bénéficiaire. Dans le meilleur des cas, aucun impôt n’est dû si elle dispose de déficits reportables et si le montant de l’abandon est limité ; mais la perte de déficits est en soi un préjudice. Plus fréquemment, il en résulte un impôt immédiat en raison de la règle selon laquelle les déficits ne sont imputables qu’à hauteur de 1M€ et, au-delà, à hauteur seulement de 50% du bénéfice supplémentaire constaté lors de cet exercice.
 
Compte tenu du préjudice fiscal occasionné par ce traitement asymétrique, les parties recourent plus souvent à une incorporation de la créance au capital. Cette dernière n’entraîne aucune économie fiscale chez l’actionnaire (qui ne peut en pratique déduire la perte réalisée sur ces nouveaux titres, revendus pour un euro symbolique) mais elle préserve au moins la situation fiscale de la bénéficiaire.  
 
Dans le cadre toutefois d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire :
 
(i) L’abandon de créance est déductible chez le créancier même lorsqu’il ne présente pas un caractère commercial ; cette déduction est intégrale à concurrence de la situation nette négative (réelle) du débiteur cédé et le cas échéant de la quote-part excédant ce montant correspondant aux droits des minoritaires.
(ii) La société bénéficiaire peut imputer ses déficits sans limitation sur le profit correspondant. 
 
Dans le cas où la perspective de retournement est encore lointaine et où les déficits ne sont pas vraiment valorisés par l’acquéreur, cette option redevient donc très intéressante pour les parties et en particulier pour le cédant qui peut constater une économie fiscale à raison de l’effort financier ainsi consenti.  
 
Dans tous les cas de figure, le créancier doit établir que l’abandon de créance constitue pour lui un acte de gestion normal. Ceci ne soulève généralement pas de difficulté dans la mesure où l’abandon conditionne la cession de la filiale en difficulté et évite à l’actionnaire d’avoir à faire face à une aggravation de ces difficultés et à la mise en cause éventuelle de sa responsabilité ou de sa réputation. En toute hypothèse, l’abandon est systématiquement déductible (et donc réputé normal) dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire du débiteur. 
 
Il existe donc un avantage fiscal à structurer la cession d’une activité sous-performante dans le cadre d’une procédure de conciliation (qu’elle soit constatée ou homologuée).
 
Cas particulier – Intégration fiscale  
 
L’application des règles ci-dessus s’avère plus délicate lorsque la société cédée et la société cédante étaient membres d’un groupe d’intégration fiscale.
 
L’intégration fiscale a en principe permis que les pertes de la filiale sous-performante ne soient pas cantonnées à son niveau sous la forme de déficits reportables mais puissent être immédiatement remontées et utilisées pour réduire l’impôt d’ensemble du groupe.
 
On signalera surtout qu’en présence de sociétés intégrées, il est recommandé d’anticiper la question et, souvent, de restructurer ces créances en amont de la sortie du groupe intégré afin d’éviter que cet avantage ne soit, en fait, remis en cause lors de la cession accompagnée d’une recapitalisation ou d’un abandon des créances intragroupe.
 
L'exonération de certains impôts applicables à l'entreprise en difficulté faisant l'objet de la reprise (asset deals) 
 
Par ailleurs, le législateur a prévu certains dispositifs permettant de faciliter la reprise d’établissements en difficulté. Pour l’essentiel, ces dispositifs sont réservés aux établissements industriels et/ou à ceux situés dans des zones dites « difficiles » : zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, zone d’aide à l’implantation des PME, zones d’aides à finalité régionale.
 
S’agissant des établissements industriels en difficulté, on signalera notamment l’exonération d’impôt sur les sociétés sur 24 mois applicable, parfois sous réserve d’un agrément (PME ou zones d’aide à finalité régionale), aux sociétés créées jusqu’au 31 décembre 2020 pour reprendre de tels établissements, y compris en dehors d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ainsi que la faculté ouverte aux collectivités territoriales en zones d’aide à finalité régionale ou à l’implantation des PME d’octroyer des exonérations de cotisation foncière des entreprises. Enfin, s’il s’agit de très petits établissements repris par des salariés, la société de reprise peut sous certaine conditions émettre des BSPCE, forme alternative de rémunération avantageuse au plan fiscal et social, alors qu’en principe c’est impossible en cas de reprise d’une activité préexistante. 
 
Enfin, le législateur permet l’étalement sur cinq ans, assorti d’un taux d’intérêt très faible, des droits d’enregistrement attachés à l’achat d’un fonds de commerce dans le cadre d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire.