LA CONTINUITÉ DES OPÉRATIONS, UN ENJEU ESSENTIEL EN CONTEXTE DE CARVE OUT

Clotilde Delemazue, Associée, Directrice du département Prévention et Restructuration, Grant Thornton & Faycal El Darwiche, Partner, Euromena Consulting

La continuité des opérations, un enjeu essentiel en contexte de carve out 

L’activité M&A a été soutenue en 2019 malgré une instabilité du contexte économique. De nombreux acteurs poursuivent en ce début d’année leur quête d’opportunités pour accroître leurs parts de marchés en France ou à l’international. Dans de multiples secteurs, la stratégie de consolidation reste le moteur clé des opérations de transaction, qui sont également menées dans un objectif de restructuration de désendettement de groupes.
 
Aujourd’hui plus encore que par le passé, dans divers secteurs tels que celui de l’industrie lourde, l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire et le secteur des services, les grands groupes cèdent des divisions ou des unités de production dans le cadre d’opérations de « carve-out », (par voie d’actifs ou de contrat partagé) pour des raisons diverses : 
a) Le carve-out permet aux entreprises de se concentrer sur leurs activités centrales ou « core business » et de se séparer de celles qui ne figurent pas dans leur stratégie globale. Cela permet un meilleur alignement de leurs opérations et renforce l’agilité de gestion aussi bien au niveau de l’entreprise mère que de l’entité détourée. 
b) Le carve-out permet aux entreprises trop endettées de valoriser et de tirer un prix de la cession d’une partie de leurs activités pour réduire leur dette. 
c) Le carve-out permet également à certains groupes de se séparer d’activités sous performantes voire déficitaires, non « core business », qu’elles ne sont pas à même de redresser afin de se concentrer sur les activités rentables qu’elles souhaitent préserver. Certains investisseurs, fonds ou corporate, manifestent leur intérêt pour ce type d’opérations, persuadés de leur capacité à opérer le redressement de l’entreprise. 
 
Dans ce type de situations complexes (dites de distressed M&A), l’opération est sensible tant pour le cédant que pour le cessionnaire :
- Côté acheteur, ce dernier doit vérifier les conditions dans lesquelles il pourra poursuivre les activités et renouer avec la rentabilité. Cela passe par une parfaite compréhension économique, sociale, légale, financière et environnementale de la situation de la cible et une réflexion stratégique qui se traduira dans un business plan. Celui-ci intégrera notamment les leviers opérationnels et financiers ainsi que les mesures de redressement afin de déterminer le besoin de financement de l’opération, véritable nerf de la guerre. 
- Côté vendeur, qui participe parfois au financement par un prix de cession négatif, l’objectif sera de céder à un repreneur auquel il aura préalablement fourni l’information fiable lui permettant de bâtir son projet dans le cadre d’une Vendor Assistance et confirmer son offre. Il doit également s’assurer du sérieux du projet du repreneur et de la capacité de celui-ci à redresser l’entreprise, pour éviter un risque de défaillance ultérieure, susceptible de remontée de flammes sur le groupe cédant. 
 
Dans le cadre des missions qu’ils déploient pour assister les groupes dans leur opération de carve-out, Grant Thornton et son partenaire Euromena Consulting adressent les 3 axes prioritaires suivants : 
  1. La construction nécessaire d’un compte de résultat « standalone » de l’activité détourée et l’intégration d’ajustements opérationnels et financiers au regard (i) de l’activité devenue autonome et (ii) des coûts transitoires et non récurrents avant la totale autonomie de l’activité détourée : définir un compte de résultat autonome/standalone basé sur des hypothèses challengées pour chacune des fonctions impactées par le carve-out. Ainsi, le coût et le mode opératoire standalone / autonomes sont établis selon une approche à la fois « Top-Down » (Benchmarking) et d’une approche « Bottom-Up » (échanges avec la Direction et analyse de l’organisation actuellement en place, revue des indicateurs opérationnelles de chacune des fonctions concernées). Cette approche doit être réaliste et inclure tous les éléments permettant à l’entité autonome de poursuivre ses activités et se pérenniser pour le moins avec le même niveau de performance qu’au sein de l’entreprise /l’activité principale.
  2. La définition précise de la feuille de route tendant à la séparation des activités et l’identification des coûts non récurrents liés à cet objectif : Dans certains cas, la séparation est simple et peut se résumer à un transfert de personnel. Dans des cas plus complexes où les actifs ne peuvent être séparés et transférés rapidement en raison de services partagés (principalement des services informatiques, R&D et fonctions supports), il convient d’établir une feuille de route claire en vue de la séparation, incluant quelques options transitoires si nécessaires dans le cadre d’un accord telles que : la distribution, la chaîne d’approvisionnement, l’IT, la fonction finance, les achats, les RH, etc.
  3. La précision et la formalisation des modalités transitoires dans le cadre d’un TSA (Transitional Service Agreement) entre le vendeur et l’acheteur : Lorsque certaines prestations de services sont expressément requises par l’acheteur après le closing (le temps de la séparation totale et effective des activités), un accord pour la période transitoire doit être élaboré et formalisé. Cet accord est conclu entre l’acheteur et le vendeur, sur la base duquel le vendeur s’engage à procurer un certain nombre de services par ses équipes au profit de l’acheteur, et ce pour une période spécifique (entre 6 à 12 mois) afin de permettre à l’acquéreur de mettre l’organisation de manière autonome tant en termes de transfert des actifs, infrastructures, systèmes d’information. Pendant cette période, le TSA a pour vocation de garantir une continuité des activités jusqu’à l’atteinte d’autonomie totale du périmètre cédé/détouré.
 
Dans la plupart des cas, les travaux des experts Grant Thornton / Euromena Consulting conduisent également à l’identification des leviers d’amélioration et d’optimisation de la performance post deal.
Selon Fayçal El Darwiche, d’Euromena Consulting« les facteurs clés de réussite d’un carve-out comprennent (i) une anticipation la plus complète et réaliste des risques liés au détourage, une gouvernance claire de la période de transition, ainsi que la mise en place d’une équipe de gestion de projets solide pour mener les opérations dans un délai et à des coûts acceptables ».    
 
Clotilde Delemazure, Head of Restructuring chez Grant Thornton ajoute que « l’intervention d’experts dédiés permet aux clients d’atténuer les risques liés à ce type d’opérations grâce à une phase de transition anticipée, planifiée et structurée, permettant au mangement du repreneur de se concentrer sur les fondamentaux de l’entreprise : embarquer les équipes pour pérenniser et développer cette dernière ».  
 
Enfin, et dans de nombreuses opérations de carve-out, les grands Groupes, ETI ou PME n’hésitent pas, dans ce type d’opérations complexes et à risque, à recourir aux cadres protecteurs qu’offrent les procédures amiables. Les procédures amiables de mandat ad hoc ou de conciliation sont parfaitement adaptées à ces deals pour sécuriser ces opérations et favoriser les discussions et négociations dans la confidentialité qui est essentielle. Le mandataire ad hoc/conciliateur, désigné par le Président du tribunal de commerce pour faciliter les négociations entre les parties et suggérer des solutions, s’assurera que le projet présenté et les conditions de la transaction, implémentées avec les conseils de chacune des parties (avocats et conseils financiers & opérationnels) sont de nature à assurer la pérennité de l’activité cédée.
 
Nicolas de Germay, Président et fondateur de l’AIR, l’Association des Investisseurs du Retournement, souligne à juste titre qu’il faut faire preuve de pédagogie pour accompagner et mener à bien ces opérations de carve-out; elles sont complexes mais elles permettent souvent d’offrir un avenir à des activités en dehors du groupe auxquelles elles appartenaient. 
 
Clotilde Delemazure & Fayçal El Darwiche     
 
Clotilde Delemazure est directrice du département Prévention et Restructuration de Grant Thornton.
Fayçal El Darwiche est partner au sein d’Euromena consulting. 
 
Euromena Consulting et Grant Thornton – Financial Advisory Services – ont récemment travaillé sur diverses opérations en Europe et en Asie dans le cadre desquelles Grant Thornton a réalisé l’audit d’acquisition et la revue du Business Plan, assisté par Euromena Consulting dans le cadre de la due diligence opérationnelle du carve-out.